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UNE SURPRISE DE PREMIER AVRIL

elle animait les âmes. Les possédants, bien résolus à ne pas déménager du pouvoir, s’enhardissaient à tout brutaliser. Ils avaient d’abord à déshonorer le général Boulanger.

La difficulté de leur tache n’était pas d’obtenir une condamnation, décidée à l’avance, mais d’y fournir un prétexte. « Nous n’avions rien », ont répété à plusieurs reprises les hommes de la loi et de la Bible, avec l’orgueil d’un maître de maison qui, surpris à l’improviste, a tout de même traité ses hôtes.

Pour classer dans l’histoire le procès de la Haute Cour, il suffit de mentionner sans qualificatifs les individus qui dressèrent ce festin empoisonné.

La paternité de l’invention a été réclamée par M. Clemenceau et par M. Reinach. On connaît ces deux messieurs, et les pénibles situations où ils se sont trouvés par la suite ; l’un, du fait de son bienfaiteur Cornélius Herz, l’autre, à cause de son oncle et beau-père, le baron Jacques. Les témoignages de l’accusation furent fournis par ledit baron Jacques de Reinach, par Buret et par Alibert : ces trois auxiliaires apparurent peu après, et d’une façon indiscutable, comme du gibier de correctionnelle. L’opinion publique était informée par les Hébrard, les Edwards, les Portalis, les Raoul Canivet, les Edmond Magnier, les Camille Dreyfus et les Mayer.

Le ministre de la Justice qui confirmait le tout de sa haute honorabilité, c’était M. Thévenet. Quoiqu’il ait souvent trébuché depuis lors, nous attendons encore sa plus belle culbute. En voilà un qui pourra bien faire défaut à la citation du juge, mais non pas aux espérances des connaisseurs !