Page:Barrès – L’Appel au Soldat.djvu/25

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19
LA FIÈVRE EST EN FRANCE

en combattant pour le bien-être et avec l’admiration de ses concitoyens. L’ardeur d’un jeune homme supplée au manque d’érudition. Etayé par Sismondi et Burckhardt, celui-ci éleva son intelligence à la hauteur de ces dramatiques souvenirs, et aucun divertissement n’eût à l’égal de l’histoire ravi et rempli son âme, s’il avait été en possession des principes nécessaires pour la comprendre abondamment.

Guidé par un grand esprit, il eût aussi dès ce moment entendu l’architecture, où l’on saisit le mieux que l’art même est un produit social. Dans l’édifice, l’individuel ne peut pas durer comme tel et ne vaut que s’il s’harmonise à un ensemble d’efforts dont la totalité seule réalise l’idée architecturale. — Mais peut-être convient-il que chacun passe par les lentes étapes de la culture. Dans son premier contact avec ces grands pays italiens qui nous offrent à chaque voyage des aspects nouveaux, ce jeune homme, faute d’éducation spéciale, jugeait seulement avec des sensations. Il apportait une âme d’un tel style qu’il sentit surtout les peintres pathétiques, ceux-là qu’aimaient Byron, Stendhal, et que notre époque dédaigne, en attendant qu’un nouveau flot les remette à la mode, il se détourna des pauvres artistes, en réalité bons pour les archéologues, qui expriment gauchement leurs âmes très humbles sur lesquels des délicats, suivis par des niais, se penchent avec une complaisance analogue à celle de Marie-Antoinette trayant les vaches et paissant les moutons.

Un Sturel, jeune, âpre et avide, prouve sa sincérité quand il sacrifie jusqu’à l’injustice l’honnête