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STUREL CHEZ LE SYNDIC DES MÉCONTENTS

Et, comme s’il eut été fatigué de parler sérieusement, il raconta quelques démarches de ces femmes affolées que la grande notoriété attire. Sturel vérifia souvent par la suite que ces histoires légères servaient au Général pour écarter les sujets qu’il réservait. Il y trouvait un moyen de créer de la familiarité sans rien donner de soi.

Dans cette chambre d’hôtel, banale pour les gens sans imagination, Suret-Lefort dépensait une courtisanerie un peu plébéienne, de basoche, mais que ses vingt-cinq ans faisaient jeune, souple, amoureuse. Le son de sa voix, chacun de ses mouvements approuvaient, admiraient, servaient Boulanger, comme un adolescent une jeune merveille. Oui, ce dur amant du succès jouissait de la popularité du Général, comme un jeune homme reconnaissant s’émeut à contempler, à manier la lingerie, les bijoux, les dentelles, les chapeaux d’une jeune femme sa maîtresse.

Où trouver un être plus parfaitement aimable que Boulanger ? D’abord, c’est un optimiste déterminé ; et, si cette espèce manque de philosophie, c’est celle qui dans les relations apporte le plus d’agrément. Avec des ressources un peu vulgaires et sans démêler les nuances ni le ressort d’un homme, il excelle à animer les situations, à rompre les formules trop prolongées dans les présentations, à substituer une camaraderie de chef aux rapports de supérieur à subalterne.

Au bout d’une demi-heure, il posa la main sur l’épaule de Sturel et, lui donnant congé :

— Vous partez satisfait ? Eh bien ! revenez me voir souvent !

— Je vais te présenter à Naquet, — dit Suret--