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LES PRINCIPAUX THÈMES BOULANGISTES

le rappel du Général aux affaires, le Président réplique avec dédain :

— Le général Boulanger n’est pas un parlementaire.

— L’heure n’est pas aux parlementaires, répond Déroulède.

M. Grévy, après un silence :

— Je vous comprends, monsieur : vous ne voulez pas me servir, vous voulez vous servir de moi.

— Voyez la situation : on vous donne vos huit jours ; nous vous apportons quinze jours.

Grévy sursaute, mais sent d’autant mieux le lacet des parlementaires à son cou.

— Soit, dit-il, j’accepte.

C’était le 29 novembre : Clemenceau, Rochefort, Eugène Mayer (de la Lanterne), Laisant, Déroulède, qui, dans la nuit précédente, du 28 au 29 avaient tenu un conciliabule chez Laguerre, s’y retrouvèrent au soir. Après un dîner animé, dans une interminable fumerie, au milieu des tasses de thé, des verres de liqueur et de bière, ils cherchèrent à constituer ce ministère antiferryste qui repêcherait M. Grévy. Les difficultés étaient grandes, et M. Clemenceau, si bien fait pour n’en pas tenir compte et pour marcher quand même, les commentait avec un pessimisme qui consternait le jeune Laguerre, avide d’audaces.

Tous ces conspirateurs s’accordent pour qu’on aide M. Grévy à conserver la Présidence en lui procurant un ministère. Mais ce ministère dissoudra-t-il les Chambres ? ou bien se bornera-t-il à les proroger pendant un mois ? Dans l’un et l’autre cas, subsiste cet obstacle qu’on n’a pas de budget et que le Parlement refusera des douzièmes provisoires. D’ailleurs