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son nom. — Vous me l’apprendrez plus tard, ne perdez pas une minute pendant que nous discourons votre ami peut être arrêté. Caché dans cette maison (au commencement de juillet) et entouré des soins les plus prévenants par Mme Vernet, Condorcet se livra au travail comme s’il eut encore été dans son ancien appartement du palais de la Monnaie. Son premier écrit fut ce mémoire justificatif dont j’ai déjà eu occasion de parler. « Comme j’ignore, disait-il au commencement de cet écrit, si je survivrai à la crise actuelle, je crois devoir à ma femme, à ma fille, à mes amis, qui pourraient être victimes des calomnies répandues contre ma mémoire, un exposé simple de mes principes et de ma conduite pendant la Révolution. »

Il n’acheva point cet écrit. Le manuscrit porte, à la fin, cette note écrite de la main de Mme de Condorcet : « Quitté à ma prière pour écrire l’Esquisse des progrès de l’esprit humain. »

Mme Condorcet, en lui donnant ce conseil, avait voulu détourner l’esprit de son mari des convulsions horribles dont il s’entretenait inutilement, pour le reporter sur quelque grande composition qui l’occupât tout entier, et c’est d’elle qu’est venue cette grande idée (Vauvenargues n’a-t-il pas eu raison de dire que les grandes idées viennent du cœur ?) d’écrire, au milieu même des plus horribles convulsions et quand, à chaque instant, l’auteur pouvait être envoyé à l’échafaud, ce Tableau historique des progrès de l’esprit humain, qui est comme un sublime défi aux orages du temps et un magnifique témoignage de la foi du philosophe dans les progrès de l’humanité. N’est-il pas admirable de voir Condorcet écrire dans un pareil moment : « Tout nous dit que nous touchons à