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« Les massacres du 2 septembre, dit-il, une des souillures de notre Révolution, ont été l’ouvrage de la folie, de la férocité de quelques hommes et non celui du peuple, qui, ne se croyant pas la force de les empêcher, en détourna les yeux. Le petit nombre de factieux auxquels ces déplorables événements doivent être imputés, eut l’art de paralyser la puissance publique, de tromper les citoyens et l’Assemblée nationale. On leur résista faiblement et sans direction, parce que le véritable état des choses ne fut pas connu. » On pourrait demander s’il était si difficile de le connaître et si impossible d’y résister mais au moins la flétrissure ne manque-t-elle pas, et la conscience est-elle soulagée en lisant ce verdict. Elle est soulagée aussi en voyant, comme dit Arago, « le peuple, le véritable peuple de Paris, dégager toute solidarité dans la plus odieuse boucherie par un homme dont les lumières, le patriotisme et la haute position sont une triple garantie de véracité. »

Mme  de Staël et, en la citant. M. Sainte-Beuve ont reproché à Condorcet d’avoir offert au plus haut degré le caractère de l’esprit de parti. Que Condorcet se soit parfois laissé entraîner par cet esprit particulièrement — à l’égard de Mme  de Staël et de Necker — on ne peut le nier : quel sujet vivant dans des temps comme ceux-là et prenant part lui-même à de pareils événements, peut résister à cet esprit ? Mais il est vrai de dire aussi qu’il ne voulut être précisément l’homme d’aucun parti, si non de ce qu’il regardait comme le drapeau de la raison et du progrès. Il se montra l’adversaire courageux et fut la victime des Jacobins, mais on ne peut dire qu’il fut Girondin bien qu’il ait souvent marché d’accord avec la Gironde, il combattit énergiquement leur idée d’opposer