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Condorcet trouve cette observation plus vraie, mais, suivant lui, elle ne prouve rien car ce n’est pas la nature, c’est l’éducation, c’est l’existence sociale qui cause cette différence : ni l’une ni l’autre n’ont habitué ( ?) les femmes à l’idée de ce qui est juste. La dépendance où elles sont de leur mari n’est pas non plus une preuve à invoquer, parce qu’il serait possible de détruire en même temps cette tyrannie de la loi civile, et que jamais une injustice ne peut être un motif d’en commettre une autre. On craint l’influence des femmes sur les hommes ! Condorcet répond que cette influence est d’autant plus redoutable qu’elle est plus occulte, et qu’elle le serait beaucoup moins dans une discussion publique que dans le secret. Enfin on craint que l’exercice des droits politiques n’écarte les femmes des soins que la nature semble leur avoir réservés. Cette objection ne paraît pas bien fondée à notre philosophe. « Quelque constitution qu’on établisse, dit-il, il est certain que, dans l’état actuel de la civilisation des nations européennes, il n’y aura jamais qu’un très petit nombre de citoyens qui puissent s’occuper des affaires publiques. On n’arracherait pas les femmes à leur ménage plus que l’on n’arrache les laboureurs à leurs charrues, les artisans à leurs ateliers… il ne faut pas croire que, parce que les femmes pourraient être membres des assemblées nationales, elles abandonneraient sur le champ leurs enfants, leur ménage, leur aiguille. Elles n’en seraient que plus propres à élever leurs enfants, à former des hommes… La galanterie perdrait à ce changement, mais les mœurs domestiques gagneraient par cette égalité comme par toute autre… car l’inégalité introduit nécessairement la corruption et en est la source la plus commune, si même elle n’en est pas la seule. »