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préjudiciable au Genre humain, je la regarderais comme un crime ». Notons que, dans un ouvrage où elle était insérée, cette gradation était précédée d’une for- mule plus générale encore : « Je croyais que les hommes….. devaient étendre leur bienveillance sur toutes les créatures qui peuvent connaître, et qui sont capables d’aimer² ». On peut dire que la sensibilité universelle de Montesquieu était comme une émanation de sa vaste intelligence. Elle dut être pour beaucoup dans le parti qu’il finit par prendre de réserver aux. études morales et politiques son activité puissante : celle-ci s’humanisait de la sorte.

Lorsqu’on feuillette ce qu’il reste des paquets de fiches, des cahiers, des gros volumes d’extraits, qui ont servi à la composition de l’Esprit des Lois, on est stu- péfait du travail auquel s’est livré l’auteur. Ce n’était pas à des manuels qu’il demandait ses notions de droit, d’histoire ou d’économie sociale. Autant que possible, il travaillait sur les sources. Codes de lois indigestes, fastidieuses annales ou récits monotones de voyages, notre philosophe s’attaquait à tout résolument. Et ses lectures n’étaient pas de ces lectures rapides qui suffisent à une curiosité banale. Poursuivant toujours la découverte de quelque principe supérieur, il trans- crivait ou faisait transcrire, à fur et mesure, dans une série de registres, les passages où il croyait entrevoir l’application d’une règle ou la raison d’être d’une exception. D’autres fois, il notait ses remarques sur des bulletins volants, qu’il groupait ensuite pour rédiger un livre ou un chapitre de son grand ouvrage. 4 1. P., t. I, p. 15, nº 11. 2. M., P. 80. 7 1