Page:Barckhausen - Montesquieu, l’Esprit des lois et les archives de La Brède, 1904.djvu/41

Cette page n’a pas encore été corrigée

conçu ? Sans cette vertu [de la modération], toute aristocratie tombe d’abord. Jetons les yeux sur ces républiques qui languissent aujourd’hui dans l’Italie. Il semble qu’on ignore leur existence. Elles ne la doivent, en effet, qu’aux jalousies que pourrait donner leur destruction[1]. »

D’autre part, un glorieux monarque se serait senti atteint par cet alinéa sur les vicissitudes du Droit public : « Qu’on ne regarde pas comme chimériques les changements de cette espèce ! Ne venons-nous pas de voir le Droit des gens entièrement changé parmi nous, et l’Allemagne étonnée d’un nouveau genre de guerre qu’elle ne connaissait pas[2]. »

Si l’on se place au point de vue intérieur, peut-être aurait-on moins applaudi d’un côté de la Manche que de l’autre, à cette remarque sur les lois criminelles : « De deux royaumes voisins en Europe, l’un est devenu plus libre, et les peines soudain y ont été adoucies ; l’autre a vu augmenter le pouvoir arbitraire, et la rigueur des. peines y a cru en proportion[3]. »

Ce n’est pas, d’ailleurs, le seul article de la rédaction première de l’Esprit des Lois que Louis XV, son gouvernement et son entourage auraient pu juger malsonnant.

Il n’était pas admissible qu’un prophète de malheur détaillat ainsi, en 1748, les causes d’une catastrophe prochaine : « La monarchie se perd lorsque le Prince veut tout faire par lui-même, ou que ses ministres se servent de son nom pour faire tout ; qu’il ambitionne les détails ; que là où il ne peut pas agir, il ne veut pas qu’on agisse, et que là où il ne peut pas examiner, il ne veut pas qu’on examine ; lorsqu’il croit qu’il montre plus sa puissance en changeant l’ordre des choses qu’en le

  1. Livre III, chap. iv.
  2. En marge : « En 1741 et 1742. Guerre de Silésie. » — Livre VIII, chap. viii.
  3. Livre VI, chap. ix.