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Bref, le jour du départ sera le plus aimant :
Embaumement complet du divin sentiment.

Maintenant arrivons aux hommes de l’idée,
À ces graves penseurs dont l’âme est possédée
Du seul amour du vrai, soi-disant ; nous verrons
Qu’ils usent du même art suivant leurs passions.

Un critique veut-il couper court à la gloire
D’un rimeur trop ardent à remplir la mémoire
De ses concitoyens du doux bruit de ses vers ?
Il cueille pour son front les lauriers les plus verts,
Chante le beau printemps de sa verve à tue-tête,
L’exalte outre mesure, et puis après le traite
D’homme usé, de poëte en faillite et glacé ;
Il l’embaume en un mot dans son brillant passé.

Et ce délicieux écrivain philosophe
Qui n’aime point l’éclat trop tranché d’une étoffe,
Et, de purs demi-tons, de nuances épris,
Soutient que le vrai n’est ni blanc, ni noir, mais gris ;
Quand tout doucettement il attaque et ruine
Un grand culte basé sur l’essence divine
De cet être adorable, étonnant, merveilleux,
Qui les faibles aima seul et parla pour eux,
Tout en le dépouillant de son nimbe céleste,
Il lui garde respect, et, saintement funeste,
Il embaume le dieu dans l’éloge exalté
Des sublimes vertus de son humanité.

Enfin ces orateurs qui, montés au pinacle
Et fiers de gouverner l’empire sans obstacle,
Jettent force louange à leurs rivaux à bas,
Les croyant à jamais dévolus au trépas ;
Encor des embaumeurs, des gens dont la tactique
Fait pendant, sur le haut du tremplin politique,
Aux manieurs de plume... ô fils des pharaons !
Le temps vous a traités de terribles façons :