Page:Barbier - Satires et Chants, 1869.djvu/263

Cette page n’a pas encore été corrigée

Du geste il en décrit plus d’un bon stratagème ;

Et s’il parle d’un maître en ce noble métier,
C’est pour dire qu’il est l’ami du grand Grisier,
De l’illustre Grisier ; il sait page par page
Le code du duel, rare et profond ouvrage
De feu Chateauvillard, ce Portalis charmant
Du bel art d’embrocher son homme galamment.
Il en cite le texte et vivement s’étonne
Qu’on connaisse si peu le livre et la personne.
À ce propos, d’un ton légèrement badin,
Il blague, c’est le mot, le procureur Dupin,
Cet ardent ennemi des manieurs d’épée
Et par qui si souvent leur audace est frappée.
Enfin dans son lyrisme il s’écrie avec feu :
« Le duel ! C’est, messieurs, le jugement de Dieu !
Sans lui que deviendrait la dignité des âmes ?
Sans lui plus de respect des vieillards et des femmes ;
Il est, comme l’a dit un penseur magistral,
Monsieur Guizot, il est le fait le plus moral
De nos âges nouveaux. Ah ! Si, par trop sévère,
Thémis le veut bannir aujourd’hui de la terre,
Il trouvera toujours ouvert à son accès
Un asile assuré - le noble sol français... »

Tout cela ne serait que grotesque et risible,
Si messieurs du plastron et messieurs de la cible
S’éloignaient rarement des cafés et tripots
Où leur aplomb se fait admirer par les sots.
Mais cette race, hélas ! Se répand dans le monde ;
En maint riche salon elle pénètre, abonde,
Et tient là sous l’ampleur de sa fatuité
La place du savoir et de l’honnêteté.

Mieux encore, elle unit la plume à la rapière
Et depuis quelque temps s’est faite littéraire.
Héroïques champions des muses, ces bravos
Emplissent de leur bruit le sous-sol des journaux.