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Que le fils d’un marchand ou d’un courtier marron
Qui n’a jamais rien fait et ne s’est trouvé bon
Qu’à battre le pavé, qu’à mener grasse vie,
Manger chaud, boire frais, en folle compagnie,
Et suivre jusqu’au jour sur un divan fumeux
Les étranges hasards d’un baccarat fiévreux.

Pourtant devant son nom la noble particule
Brille et sur le vélin carrément s’articule.
A-t-il droit d’y prétendre ou bien ne l’a-t-il pas ?
Il n’est point très-aisé de résoudre le cas ;
Le fait est qu’il la prend : elle est si nécessaire !
Par elle il se faufile en la bande légère
Des prodigues titrés, puis c’est un passe-port
Auprès des usuriers, princes du coffre-fort,
Des fournisseurs craintifs, des femmes de théâtre
Autour de qui son cœur gratuitement folâtre.

D’ailleurs qui là-dessus voudrait le chicaner ?
Aucun-faudrait-il pas soudain se voir mener
Sur le pré, comme il dit en style de régence.
Pour lui vertu n’est point ce qu’un vain peuple pense,
Obéissance pure aux préceptes de Dieu.
Payer ce que l’on doit, vivre chaste et de peu
N’est pas son idéal... mais en toute querelle
Ne jamais reculer même d’une semelle,
Ne se point démentir, eût-on tort mille fois,
Et toujours, le ton haut, rendre fève pour pois,
Tel est le fin des fins, ce qui le touche aux larmes.
Le type de l’honneur, c’est l’habile en faits d'armes ;
L’école de l’honneur, c’est la salle du tir,
Où tout brave s’en vient d’adresse se munir.

Qu’il est fier, qu’il est beau lorsqu’une triste histoire
De duel malheureux le conduit au prétoire !
Comme il pose en docteur devant le magistrat !
Il professe l’escrime, il se montre en état
D’en donner des leçons à la cour elle-même ;