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a parole.
Jaune, vert, rouge, bleu, blanc et noir, j’ai vraiment
D’un perroquet bavard le riche accoutrement,
Et sur les papillons ma vertu se modèle.
En ce moment ici, demain là, j’ouvre l’aile
À chaque vent qui passe, et vole sans détour
Courtiser toute fleur de puissance et d’amour.
Changer est, selon moi, véritable sagesse,
Et, comme dit Hégel, ce maître sans second,
Dont on n’a pas encor saisi le sens profond,
Mon cher, je ne suis pas, mais je me fais sans cesse.
 
Pierrot.
Tu dois te fatiguer beaucoup à ce métier,
Et je ne voudrais pas même un jour l’essayer ;
Changer, changer toujours, mon ami, que de peine !
Suer d’âme et de corps, se mettre hors d’haleine,
Et pour attraper quoi ? Pour, la plupart du temps,
Pincer des rogatons quand on n’a plus de dents !

Arlequin.
Oui, grand observateur des choses de la vie,
J’en ai bien calculé les chances et j’ai vu
Qu’à changer notre temps n’est point toujours perdu,
Et qu’on gagne parfois à la palinodie
Des places, de l’argent, des décorations,
Un fauteuil au sénat, voire à l’académie,
Et c’est bien quelque chose, ami, que ces lardons.

Pierrot.
Cela dépend du prix qu’on y met, de l’estime
Qu’on en fait. -quant à moi j’aime peu le sublime,
Tu le sais, j’ai des goûts modestes : un bon plat
Cuit à point, un flacon de beaune ou de muscat
Et les embrassements de ma chère Pierrette,
Voilà ce qu’il me faut, tout ce que je