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Lâche son pied, chacun se lève, on fait lumière ;
Et tous de rechercher la cause singulière
D’un tel bruit. Que voit-on ? Sur sa chaise, pâmé,
Le pontife étendu, muet, inanimé.

On lui tape les mains, on lui mouille la tempe ;
Et notre homme bientôt aux clartés de la lampe
Se réveille, s’étire et d’un air plein d’effroi :
« Qu’est-ce ? Où suis-je ? Mon Dieu ! Suis-je encore bien moi ?
- Qu’avez-vous ? Lui dit-on. - Hélas ! Dans l'assistance
Il a dû se commettre une grosse indécence
À l’endroit des esprits, si bien qu’en sa douleur
L’un d’entre eux m’a frappé d’un coup si fort au cœur
Que j’en ai cru mourir... mais, je le sens, la vie
M’est encore laissée, et je l’en remercie.
Une autre fois soyons moins imprudents ; ce soir,
Nul esprit ne voudrait se laisser entrevoir.
La séance est levée. » Et, la mine refaite,
Notre compère prend la poudre d’escampette.
L’assemblée à son tour s’écoule peu à peu,
Pérorant, discutant, expliquant avec feu
Le cas du médium... quant à la pauvre dame,
Auteur fort innocent d’une si noire trame,
Elle n’y comprend rien, et dit : « C’est singulier !
La main que je tenais, pourtant, c’était un pied... »


Publié en 1858.