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lomnie,
De l’injure aux puissants, du sarcasme au génie,
C’est le plaisir de rire aux dépens du voisin,
De le voir écumer sous un peu de venin ;
Voilà, voilà pourquoi la foule m’idolâtre.
Mais qu’un jour je lui serve un ragoût moins saumâtre
Et moins assaisonné d’ingrédients mordants,
Vous verrez si la bête y met le bout des dents...
Puis, faut-il l’avouer et vous le dire en face ?
Quand sérieusement au sommet du Parnasse
Je voudrais m’élever et maintenir mes pas
Au pur sentier de l’art, je n’y parviendrais pas ;
Je me connais, je suis peu dupe de moi-même.
Si dans ce que j’écris, soit conte soit poëme,
Je me livre sans gêne aux écarts du cerveau,
C’est qu’en moi je n’ai pas la faculté du beau,
Le sens d’un esprit juste, et que ma fantaisie
N’est rien qu’extravagance et folle poésie.

Quand, pour rendre les tons de mon style plus vifs
Et plus piquants, je fais des colliers d’adjectifs,
Que j’enfle et je nourris jusques à la pléthore
Les maigreurs de ma phrase avec la métaphore,
Ou que de leur vrai sens je détourne les mots
Et leur fais contracter les hymens les plus faux,
Enfin, lorsque plongeant aux bas-fonds populaires
J’en tire effrontément les tours les plus vulgaires,
Croyez-vous que j’ignore, en écrivant ainsi,
Que j’offense la règle et le goût ?... pardieu si,
Je le sais, et très-bien ; mais il faut aller vite,
Étonner le commun par un trait insolite,
Lui donner pour du neuf et pour du feu divin
Des lazzis de taverne et des mots d’arlequin...
Je n’ai point de génie, et si dans mon audace
Je prétends égaler l’Arioste et Le Tasse,
Je mens et du public j’outrage la candeur.