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centaine aux rebords des chemins,
Il est né des milliers d’artistes dont les mains
Tripotant et gâchant plus ou moins bien l’argile
Ont fait d’un art sublime une chose futile,
Et mis de Phidias les outils respectés
Au service banal des moindres vanités.
De là tous ces messieurs aux poses drôlatiques
Dont le bronze encombra si longtemps nos boutiques,
Cet amas de chanteurs, de danseurs et d’acteurs
Étalant fièrement leurs toupets séducteurs,
Tous ces fils de Dantan, vrais monstres de pagode,
Dont le regard me fut tant de fois incommode
Et dont j’eusse voulu délivrer la cité
Si parmi ses suppôts Delessert m’eût compté.
Pardieu ! N’était-ce pas bien assez de Versailles,
Ce grand Capharnaüm de sanglantes batailles,
Où l’on trouve avec peine entre tant de tableaux
Les portraits réussis de quelques vrais héros !

Encor si ce faux goût, cette rage de plâtre,
Cet amour effréné du bronze et de l’albâtre,
N’affligeait que Paris, ce serait demi-mal ;
Mais le pays entier est sous le vent fatal.
Paris élève un trône à son enfant, Molière,
Ailleurs il ne faut pas demeurer en arrière,
Et voilà subito tout arrondissement,
Ô province ! qui veut avoir son monument.
Qui jamais eût pensé que la reconnaissance
D’une contrée irait jusqu’à l’extravagance
D’ériger, en retour d’un aimable caquet,
Une statue en pied au bel esprit Gresset !
Certes, Parmentier fut homme utile en sa sphère,
Il apprit à manger de la pomme de terre.
Le service est très grand, mais pour ce fait humain
Fallait-il comme un dieu le couler en airain ?
Hélas ! Il est si dur de voir son forum vide