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Cependant, cher ami, conduis-toi de manière À maintenir toujours le riche octogénaire Dans l’aimable penser de te laisser du bien. Pour cela, mets en jeu plus d’un adroit moyen.

Il n’est point bon d’user toujours de flatterie ; Il faut aussi parfois darder la calomnie, Noircir de son venin tout parasite ardent Que tu verras rôder au logis trop souvent. Pour sa race surtout, inquiète et lointaine, Excite constamment le levain de sa haine ; Car chez les vieilles gens, cœurs secs et sans pitié, La haine est plus donnante encor que l’amitié.

Un vieillard est souvent aux mains d’un domestique Qui le tient et surveille en geôlier despotique. Garde-toi de heurter cet insolent pendard ; Fais chorus avec lui sur le barbon, plus tard Tu pourras lestement à la porte le mettre, Quand de l’âme du vieux ton esprit sera maître. Car c’est là l’important… dans cette honnête fin Pénètre tout d’abord, avec un coup d’œil fin, Les goûts prédominants, les passions vivaces Que les ans n’ont point su refroidir de leurs glaces Et qui brûlent encore en ses sens vigoureux. Est-il gourmand, bravo ! C’est un défaut heureux Dont facile il sera de tirer avantage.

De termes de cuisine épice ton langage ; Nuit et jour, lis Carême et sois bien au courant De tout ce que Chevet de fameux entreprend. S’il t’arrive jamais du fond de la province Quelque faisan doré, gibier digne d’un prince, Ou quelque gros pâté de fine venaison, Il faut, mon cher ami, montrer de la raison, N’y pas toucher et vite en faire sacrifice Au ventre que tu veux rendre à tes vœux propice. Aux soins de l’avenir il faut beaucoup donner