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ns glose Aux utiles conseils que mon cœur te propose. De plus riches que toi, des gens plus relevés N’ont pas été si fiers et s’en sont bien trouvés. Que t’importe après tout une insolente phrase Et les lourds quolibets de maints faiseurs d’emphase !

Si quelqu’un te rencontre et vient dire tout bas : « Quoi ! Vous voyez cet homme et lui donnez le bras ! Vous ne savez donc point ce qui court sur son compte ? » Tu répondras tout haut : « Oui, je sais… plus d’un conte ; Mais rien n’étant prouvé, je n’en crois pas un mot. D’ailleurs ce monstre d’homme est pour moi sans défaut ; Dans mainte occasion où j’étais sans ressource, Fort libéralement il me prêta sa bourse. » Qu’ajouter à cela ? Rien ; c’est un argument Sans réplique en nos jours de grand resserrement. Et le gloseur penaud, muet, baissant la tête, S’éloignera honteux de sa phrase indiscrète, Tandis que ton propos au vieillard rapporté Excitera pour toi sa générosité.

« Ce cher ami Bertrand, que son zèle me touche ! Dira-t-il, en pressant ton museau sur sa bouche. Voilà de mon bonheur l’inébranlable appui ; Aussi, plus qu’il ne croit j’ai su penser à lui… » Et soudain il ira tirer du secrétaire Son testament, duquel lecture il voudra faire ; Mais d’y prêter l’oreille, oh ! Ne sois pas si sot. Halte-là ! N’en permets point le plus petit mot, Des mains et de la bouche empêche la lecture, Disant : « Ce que j’ai fait, c’était amitié pure ; Je le ferais encor, car c’est la vérité. D’ailleurs pourquoi de moi s’être tant tourmenté ? Me léguer quelque chose est un soin inutile, Dans mon sein maigre couve une flamme subtile Qui, déployant sous peu son pouvoir destructeur, M’enverra chez les morts avant mon bienfaiteur. »