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besoins. Le chemin du travail est sûr, mais rude, immense, Et, dans ce temps maudit de folle concurrence, Soit comme médecin, commerçant, avocat, C’est bien lourde charrette à tirer qu’un état !

Au contraire, il est doux, sans avoir rien à faire, De s’entendre un matin nommer millionnaire, Et de se réveiller avec le sentiment Qu’on est à tout jamais sauvé du dénûment ; Et cela, cher Bertrand, parce qu’un benêt d’homme, Avant de fermer l’œil pour faire le grand somme, Aura mis votre nom sur un bout de papier, Pas davantage, ami ; vous êtes héritier, Et soudain vous voilà riche propriétaire ; À vous laquais, chevaux, maisons, châteaux et terre, Vous êtes homme grave et de capacité En passe d’être tout… à moins serait tenté Le diable ; aussi ce titre est l’appât des familles, Et, roses du printemps, les plus charmantes filles N’ont de sourires frais et de clignements d’yeux Que pour les cheveux gris et les visages vieux.

Bertrand. Peste ! C’est séduisant : mais que me faut-il faire ?

Macaire. Presque rien, mon ami, toucher le cœur et plaire.

Bertrand. C’est difficile.

Macaire. Non, de l’esprit, quelques pas Et nombre de discours que l’on ne pense pas, Donner de l’encensoir aux gens ; —la flatterie Est un fusil chargé de grosse menterie Qu’au visage d’un sot l’on tire à bout