Page:Barbier - Iambes et Poèmes, 1841.djvu/143

Cette page n’a pas encore été corrigée

Jusqu’au jour où la mort, te frappant à son tour,
Fit crouler ton grand front comme une simple tour.
Ô mère de douleur ! ô mort pleine d’audace !
À maudire tes coups toute langue se lasse,
Mais la mienne jamais ne se fatiguera
À dire tout le mal que ton bras a fait là.
Depuis qu’elle est à bas, cette haute colonne,
Il me semble que l’art a perdu sa couronne ;
Le champ de poésie est un morne désert,
Où l’on voit à grand’peine un noble oiseau passer.
Les plus lourds animaux y cherchent leur pâture,
Les vils serpents y vont traîner leur pourriture,
Et leur gueule noircit de poison et de fiel
Le pied des monuments qui regardent le ciel ;
C’est un champ plein de deuil, où la froide débauche
Vient parmi les roseaux que jamais l’on ne fauche
Hurler des chants hideux et cacher ses ébats ;
C’est un sol sans chemin, où l’on tombe à tout pas,
Où, parmi les grands trous, et sur les ronces vives,
Autour des monuments quelques âmes plaintives