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et sur la préoccupation de ce bourg, qui n’était pas, il est vrai, un royaume. Elle y régnait, et si ce n’était pas comme les anciens rois de Perse, invisibles, et dont elle ne pouvait avoir l’invisibilité absolue, c’était du moins un peu comme eux, par l’éloignement dans lequel elle se tint toujours au sein étroit de ce petit monde, avec qui elle ne se familiarisa jamais.

Pâques, cette année-là, tombait haut dans le mois d’avril, et ce jour de Samedi-Saint était, chez ces dames de Ferjol, une de ces journées d’occupation domestique, qui sont en province presque solennelles. On y faisait ce qu’on appelle « la lessive du printemps ». En province, la lessive, c’est un événement. Dans les maisons riches, qui coutumièrement ont beaucoup de linge, on la fait au renouvellement des saisons et cela s’appelle « la grande lessive ». — « Vous savez, madame une telle fait sa grande lessive, » se dit-on, comme la nouvelle d’une grande chose, dans les maisons où l’on va, le soir. Ces grandes lessives se font à pleines cuvées ; les petites, pour le train-train ordinaire de la maison, se font « à baquet ». « Avoir les lessivières » est une expression