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les paysannes qu’une autre vieille paysanne qui payait comptant tout ce qu’elle achetait, et qui reprenait solitairement le chemin d’Olonde, sans avoir dit un mot à qui que ce fût… Parmi les paysans normands, le silence qu’on garde produit le silence qui s’impose. Ils sont tellement défiants qu’ils ne se livrent que quand on fait les premiers pas vers eux… D’ailleurs, pendant le peu de temps qui va s’écouler jusqu’au dénoûment de cette histoire, Agathe ne rencontra pas un seul curieux qui pût l’embarrasser dans une contrée où chacun n’est préoccupé que de ses propres affaires. Les chemins qui conduisaient à Olonde étaient presque toujours déserts, car le château est assez loin des routes qui conduisent directement par là aux villages de Denneville et de Saint-Germain-sur-Ay. Elle ne rentrait point au château par la grande grille rouillée qui avait un volet intérieur, masquant entièrement la grande cour, mais par une petite porte basse, dissimulée dans un angle de mur du jardin, au-delà du château. Avant de mettre la clef dans la serrure, la prudente Agathe regardait