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Et voilà que, tout à coup, elle changea de ton avec Lasthénie ! Voilà que son âpreté s’adoucit et qu’elle revint même au tutoiement de la tendresse !

— Écoute, — lui dit-elle, — malheureuse et funeste enfant, tu meurs de chagrin et tu m’en fais mourir avec toi. Tu perds ton âme et tu perds la mienne. Car te taire, c’est mentir, et tu me fais partager ton mensonge, avec cette humiliante comédie de tous les moments qu’il faut jouer pour cacher ta honte, tandis qu’un mot dit de cœur à cœur à ta mère pourrait peut-être tout sauver. Un mot dit par toi te mettrait peut-être dans les bras où tu t’es mise une fois. Dis-moi le nom de l’homme que tu aimes. Il n’est peut-être pas si bas que tu ne puisses l’épouser. Ah ! Lasthénie, je me reproche d’avoir été si dure avec toi ! Je n’en ai pas le droit, ma fille. Je t’ai caché ma vie. Tu ne sais, ni toi, ni les autres, qu’une seule chose, c’est que j’ai aimé follement ton père et qu’il m’a enlevée… Mais tu ignores — et le monde aussi — que moi, comme toi, ma pauvre fille, j’avais été coupable et faible