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celants du Jour et je me disais qu’un peu au-dessus de cette nuance sépulcrale, il n’y avait plus de couleur, — que ces yeux seulement un peu plus pâles, disparaîtraient ! Je me disais que je ne les verrais plus, que je pourrais fermer les miens et m’engloutir sous ma paupière !

VII

Car ils pouvaient changer. Vous n’avez pas toujours été de cette pâleur de fantôme, ô yeux infatigables de lIinsomnie ! Vous n’avez pas toujours été béants, stupéfaits, immobiles. Vous avez parfois baissé la paupière. Vous avez eu l’éclat, le mouvement et la vie. Je vous ai vus — il n’y a pas si longtemps encore ! — pointer mes nuits de vos lumières, plus beaux, plus scintillants, plus nuancés que ces astres qui ne dorment pas non plus sur nos têtes et qui sont les yeux des horizons ! Ô pâles yeux, vous aviez alors des nuances d’arcs-en-ciel et d’Aurores, quand vous m’apportiez, dans le jais des nuits, l’émeraude de la verte espérance, les jalouses tendresses de l’azur et la pluie de rubis de l’amour en flammes ! Tous les yeux des femmes qu’on aima, passaient, reflets de souvenirs,