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RHYTHMES OUBLIÉS

qui ne menace pas ton amour. Je serai heureux auprès de toi, — heureux d’un bonheur comme tu sais le donner, quoique je l’aie reçu avec plus d’ivresse. Ce n’est ni ta faute ni la mienne, si les jours passés ne sont plus. En s’en allant ils ont emporté toutes les joies, n’en laissant qu’une, mais la rendant amère, celle-là que ni le temps ni le monde ne pourrait à présent nous ravir.

III

Ô Clary ! toi qui m’es restée quand l’oubli entraînait tous ceux que j’aimais loin de moi, si tu ne me retrouves plus tel que j’étais, pleure sur moi, pleure sur nous deux ; mais ne pleure pas sur notre amour, puisqu’il habite encore ce cœur déchiré et froidi. Quand la mort nous aura frappés, il pourra disparaître comme nos poussières, mais il ne cessera pas de subsister. Dussions-nous ne pas nous revoir, ce qui fut moi te restera fidèle et, si c’est un rêve, je veux rêver que nous nous aimerons.

1836.