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« Verse-moi dans tes feux, les feux que je regrette,
« Ces beaux feux qu’autrefois j’allumais d’un regard !
« Rajeunis le rêveur, réchauffe le poète,
« Et puisqu’il faut mourir, que je meure, ô Fillette !
« Sous tes morsures de jaguar ! »

Alors je la prenais dans son corset de verre,
Et sur ma lèvre en feu, qu’elle enflammait encor,
J’aimais à la pencher, coupe ardente et légère,
Cette rousse beauté, ce poison dans de l’or !
Et c’étaient des baisers !… Jamais, jamais vampire
Ne suça d’une enfant le cou charmant et frais
Comme moi je suçais, ô ma rousse hétaïre,
La lèvre de cristal où buvait mon délire
Et sur laquelle tu brûlais !

Et je sentais alors ta foudroyante haleine,
Qui passait dans la mienne et tombant dans mon cœur
Y redoublait la vie, en effaçait la peine,
Et pour quelques instants en ravivait l’ardeur !