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Et qu’importe un pardon ! ― innocent ou coupable,
On n’est jamais fidèle ou parjure à moitié ;
Le cœur sans être dur demeure inébranlable,
Et l’oubli lui vaut mieux qu’une vaine pitié.
Ah ! l’oubli ! quel repos quand notre âme est lassée !
Endors-toi dans ses bras sans rêver ni souffrir…
Je ne veux rien de toi… pas même une pensée !
Voilà pourquoi je veux partir !

Car il est, tu le sais, ô femme abandonnée,
Un voyageur plus vieux, plus sans pitié que moi,
Et ce n’est pas un jour, quelques mois, une année,
Mais c’est tout qu’il doit prendre aux autres comme à toi !
Tel que des épis d’or sciés d’un bras avide,
Il prend beauté, bonheur, et jusqu’au souvenir,
Fait sa gerbe et s’en va du champ qu’il laisse aride…
Voilà pourquoi je veux partir !

Oui ! partir avant lui, partir avant qu’il vienne !
Te laisser belle encor sous tes pleurs répandus,
Ne pas chercher ta main qui froidit dans la mienne,
Et sous un front terni, tes yeux, astres perdus !