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Ce fut pour moi toujours une étrange figure
Que ce buste de femme, — et dès mes premiers ans,
Je la cherchais des yeux dans sa pénombre obscure…
Puis, lorsque j’en fus loin par l’espace et le temps,
Dans mon cœur, — cette autre encoignure !

Car ce buste, ce fut… oui ! mon premier amour,
Le premier amour fou de mon cœur solitaire !
La femme qu’il était est restée un mystère…
C’était — m’avait-on dit — la tante de ma mère,
Une dame de Chavincour

Morte vers les trente ans… Rien de plus. Sa toilette
En ce buste est très simple et celle de son temps.
Ses cheveux étagés n’ont pas même une aigrette.
On dirait, mais alors sans nœuds et sans rubans,
La Reine Marie-Antoinette.

C’est bien là ce collier, — ce collier de sequins
Que les femmes serraient comme on fait sa ceinture,
La cravate du cou, bien plus que sa parure…
Et ce corsage aussi, dont la brusque échancrure
Descend jusqu’entre les deux seins.