Page:Barbey d’Aurevilly - Les Romanciers, 1865.djvu/93

Cette page n’a pas encore été corrigée

aurait peut-être empoisonné son mari, comme madame Lafarge.


III

Voilà, dégagé des mille fils qui s’y rattachent, s’y mêlent et la compliquent, la trame du roman de M. Flaubert. Le grand mérite de ce roman est dans la figure principale, qui est toute la pensée du livre et qui, quoique commune, cesse de l’être par la profondeur avec laquelle elle est entendue et traitée. Madame Bovary, étudiée, scrutée, détaillée comme elle l’est, est une création supérieure, qui seule vaut à son auteur le titre conquis de romancier. Nous disons elle seule ; pour le reste du livre nous faisons nos réserves. La société de province, dont M. Gustave Flaubert a entouré sa madame Bovary, n’est pas de cette venue hardie et savante. Cette société ne manque pas de vérité, sans doute, mais c’est de petite vérité, de vérité raccourcie, et un observateur de l’acuité de M. Flaubert était tenu à mieux que cela. Son pharmacien Homais, trop vanté, est une variété spéciale de l’éternel M. Prudhomme, le type universel dont le fantôme plane actuellement sur tous les esprits, si peu aptes au comique du dix-neuvième siècle. Son curé Bournisien n’est qu’une intention de caricature. Si c’est de la haine contre le clergé que ce personnage, cette haine, traduite ainsi, est innocente et ne nous blesse pas. Nous n’avons pas besoin de la pardonner. Mais si c’est une figure d’exception, une