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Quoi que M. Féval ait produit, ce n’est pas le nombre des livres, mais leur qualité, qui rapporte à son auteur l’estime ou la gloire. Les messieurs Josse du dix-neuvième siècle, les flatteurs de l’époque actuelle, parce qu’ils en sont, peuvent s’ébahir de cette facilité ou de cette impétuosité de production qui la distingue, mais, avant le dix-neuvième siècle, qui se serait préoccupé de cela ? Boileau se moquait de Scudéry comme d’une monstruosité gaie. D’ailleurs, voici qui est singulier, si l’on veut, mais certain. Scudéry ne serait plus monstrueux aujourd’hui, tant la faculté de production est devenue vulgaire ! Elle est en haut, elle est en bas, elle est partout. Elle est dans l’air du temps, et elle ne prouve rien. Les travaux de Balzac épouvantent. Mme Sand est une mère Gigogne littéraire. Mme Dash a plus de cent volumes, et la force de cinquante chevaux de M. Alexandre Dumas a été matée par celle de l’incroyable petit bidet de M. Ponson du Terrail.

L’époque est prolifique. Elle pond, et même trop. Ce n’est pas la force de production qui lui manque, c’est la force de la gestation. Il y a de petites femmes, toutes faibles, qui n’en finissent pas d’avoir des enfants et qui peupleraient plusieurs hôpitaux. Mais, en littérature, la gestation est volontaire, et si malheureusement il en était de même pour la gestation de l’enfant par la mère, depuis longtemps le monde ne serait plus !

Il faut donc, pour conclure, autre chose que cette production qu’a M. Féval, comme tout le monde, et qui n’est plus un mérite, pour que la Critique vienne à lui en attendant la gloire ! En soi, cette production ne sauve rien de ce qui doit périr, et elle perd sou-