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de ceux-là qui prétendent que la langue française commence aux Provinciales, — opinion ridicule de "Villemain, cet eunuque littéraire opéré par le Goût, — quand, avant Pascal, on avait Rabelais d’abord, ce mastodonte, émergé radieusement du chaos dans le bleu d’un monde naissant, puis, après Rabelais, — qui suffisait seul, — Ronsard, Régnier, Racan et d’Aubigné lui-même. Mais il est nonobstant certain que ces grandes articulations d’écrivains se meuvaient dans le milieu d’une langue contre laquelle ils avaient plus à faire pour montrer du génie que leurs descendants, fils d’une langue plus achevée et d’un milieu plus lumineux. La Critique, qui pèse la gloire au poids du chef-d’œuvre, ne voit que le chef-d’œuvre, et à ses inflexibles yeux les plus grandes puissances intellectuelles qui, pour une raison ou pour autre, ont manqué le chef-d’œuvre, ne comptent pas !

IV

Et ce sera, je le crains bien, le sort d’Agrippa d’Aubigné, de cet homme racine et souche de poètes et de poésies plutôt que grand poète. Il y avait en lui une force de faculté génératrice qui s’abattit sur tous les