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l’autre, dans ces deux magnifiques et majestueux railleurs ? Corneille et d’Aubigné font des choses différentes, mais ce sont des esprits de même race, qui diffèrent bien plus par la forme, par la langue, par l’heure de la langue qu’ils parlent, que par le fond de la pensée. Agrippa d’Aubigné est un Corneille de la première heure, un Corneille incorrect, fougueux et confus, mais enfin il a l’honneur d’avoir fondé ce haut lignage. Il a l’honneur d’être intellectuellement l’aïeul de Corneille, comme, physiologiquement, l’honneur d’être celui de cette admirable femme taillée pour la Royauté et l’Histoire, qui racheta le protestantisme de son grand-père et qui fut madame de Maintenon.

Et Corneille, d’ailleurs, qui est partout en ces poésies, dont on trouve la physionomie engravée par avance dans la fière mine de d’Aubigné, n’est pas le seul de sa descendance. A part les satiriques de notre littérature, qui sont tous issus, plus ou moins, depuis Régnier jusqu’à Barbier et Barthélemy (de la Némésis), de l’auteur des Tragiques, de ce premier et terrible fulminateur contre les vices monstrueux d’une époque si exceptionnellement dépravée, il serait certainement possible de retrouver, à deux cents ans de distance, d’autres ressemblances et d’autres traits de famille entre d’Aubigné, ce précurseur de plus grands que lui, et d’autres poètes qui ne sont pas seulement séparés de lui par deux siècles. En s’éloignant et en se