Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/361

Cette page n’a pas encore été corrigée

des Œuvres posthumes, le mousquetaire rouge qu’avait été pourtant Alfred de Vigny. L’air militaire manque ici complètement à cet homme qui a fait pourtant un magnifique livre à l’usage des soldats : Grandeur et Servitude militaires, et j’y trouverais bien plutôt la placidité de l’Église. 1l est vrai que l’Église est la mère et la sœur des soldats ! Le plan des joues, dans ce portrait, est abbatial, et on y regrette la main, cette main que j’ai vue plus tard maigrie par la souffrance, et d’une transparence plus grande que la crosse d’agate de la petite canne qu’il portait, en ses derniers jours, même pour traverser son salon, et qui, pour la beauté, était une main d’Évéque grand seigneur.

Évidemment, de destinée révélée par la physiologie, l’auteur des Destinées semblait fait pour porter la mitre ou la barrette comme Fénelon et le cardinal de Polignac, natures analogues à la sienne, si la Révolution n’avait pas renversé sens dessus dessous toutes les existences, comme la main d’un enfant secoue et mêle, dans leur sac, tous les numéros d’un loto. Hélas ! Fénelon, cet homme de foi et d’amour au xvn’siècle, s’il avait senti passer sur lui les mauvais courants du xixe, n’aurait peut-être été non plus qu’un sceptique, versant, de désespoir de n’être pas davantage, dans une espèce de fatalisme chrétien, comme Alfred de Vigny — il faut bien le dire, car le livre l’atteste, — y avait versé.