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Il aimait mieux, par exemple, exhumer ce mort trente-six fois mort et trente-six fois ridicule d’Abbé de Marolles, que de parler de ce robuste vivant qui s’appelait Amédée Pommier, et qui ne tendit jamais sa noble main à l’aumône d’un article. Si Amédée Pommier, au lieu d’être un artiste en lettres, avait été un intriguant de lettres qui aurait réussi, Sainte-Beuve, ce laquais du succès, qui, disait son ami Béranger, est toujours monté derrière les voitures, n’aurait pas manqué cette ascension derrière le cabriolet de Pommier. Malheureusement, Pommier n’en avait pas, et Sainte-Beuve resta par terre et se tut. Et les lâches moutons de Panurge de la Critique imitèrent tous le silence du bouc qui menait leur troupeau.

Et croyez-vous que ce qui m’irrite l’irritât ? Croyezvous qu’il en voulût à la Critique de son temps d’une si choquante injustice ? Croyez-vous qu’il eût seulement pour elle le mépris qu’il avait assurément le droit d’avoir ?… Vous vous tromperiez de le croire. Rareté inouïe ! Le proverbial genus irritabile vatum n’existait pas pour Amédée Pommier, pour ce poète encore plus exceptionnel par son âme que par son talent. Jamais il n’y eut dans Pommier ni ressentiment, ni colère. Toute sa vie, ce satyrique, qui avait pourtant à son service l’expression vengeresse, resta stoïque et doux. Ce Gaulois oubliait sa framée…L’Apollon d’Amédée Pommier, qui avait son carquois