Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/270

Cette page n’a pas encore été corrigée

Mon orgueil viola ton chaste précipice.

Pour un trépas, le lieu me paraissait propice.

D’un désespoir et d’un remord

Je fis un suicide, enivré de mensonge,

Et, dans ta profondeur me jetant par un songe,

Je t’empoisonnai de ma mort.

Eh bien, qu’en dites-vous ?… Voilà cette poésie obscure, à peu près inconnue, qui, par sa mâle et altière expression, rappelle ce Byron dont le poète parle ici, et qui, de son ironie, aurait, je m’imagine, charmé Byron ! Et quoique l’auteur des Réveils n’en ait, que je sache, jamais recommencé d’aussi beaux, il y en a pourtant d’autres qu’on lit après ceux-là et qui dénotent une puissance de variété singulière dans l’inspiration et dans l’originalité. Par exemple, les Trois Cavaliers :

Les trois cavaliers n’étaient pas très jeunes…

et surtout, surtout, cette éblouissante magnificence qui s’intitule : Sur les cheveux, titre mo deste pour une telle splendeur, voilée à la fin et s’éteignant dans la plus tendre et la plus triste des rêveries… C’est dans de tels vers et par de tels vers que Laurent Pichat, l’athée et le démocrate, reconquiert son blason de poète. C’est par là qu’il rentre dans la plénitude et la pureté de sa nature, trop longtemps faussée, et qu’on oublie les idées qu’on déteste et que souvent il exprime, pour ne se souvenir que des sentiments qu’on adore ! Talent spontané, trop vrai et trop fort pour ne pas