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arides, pour toute ressource d’imagination, que sa Bible et son orgue ; car il était musicien, ce poète si profondément, si absolument poète que la prose de ses jours ne tua pas la poésie de sa pensée, qu’elle aurait dû dix fois étouffer !

Et pourtant ce n’étaient là encore que les circonstances extérieures de sa vie, ce n’était là que le milieu, comme on dit maintenant, dans lequel l’âme plonge, prétendent-ils, comme une racine dans la terre. Mais, le croira-t-on ? à ces circonstances extérieures, Milton joignit sa volonté. Cette vie accablante et terrible, à ce qui semble, pour l’imagination d’un poète, il ne se révolta jamais contre elle ; il y a plus : al l’aima et l’étreignit sur son cœur stoïque, qui n’avait besoin ni de se résigner, ni de se consoler. Allez ! Satan, cet Insurgé du ciel qu’il peignit si bien, ce Révolté et ce Désespéré sublime, ce n’est pas Milton. Ce n’est pas dans son âme, à lui, Milton, qu’il en a trouvé les accents !… Cet homme d’affaires et d’enseignement, qui aimait également sa république et son école, qui faisait de la diplomatie, de la politique et.de la discussion théologique toute la journée en latin, trouvait cela bon et savoureux.

Les passions de son temps l’avaient pris et pénétré. Controversiste infatigable d’une époque où l’Angleterre était déchirée par tous les genres de controverse, il préféra toujours les ardeurs de l’argumentation et de la dispute, dont il faisait peut-être son héroïsme et