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poème, qui n’eut d’autre source que la Bible, entrée dans la tête d’un grand poète.Comme M. Taine, le dernier critique de Milton, il ne dira, certes ! pas que « le « ciel de Milton n’est qu’un Whitehall de valets brodés ; « son Dieu, un roi constitutionnel avec une barbe à la « Van Dyck ; le Verbe Créateur, un prince de Galles ; « Adam, un jeune homme sorti récemment de l’Uni « versité d’Oxford ; Ève, une jeune miss anglaise, « bonne ménagère… » Il se gardera comme du feu, lui, le cerveau bien fait, de ces éblouissantes sottises qu’un siècle moins sot que le nôtre aurait outrageusement sifflées, et, pur de toutes ces inepties prétentieuses, son livre sera certainement la meilleure réponse qu’on puisse faire, par le temps qui court, aux interprétations critiques et aux systèmes de tant de pédants affolés ! Et il y répondra, ce livre solide, très intéressant et qui n’est que vrai, non pas seulement par la simplicité de sa conception et ses développements naturels, mais par le fond même du sujet qu’il traite : car s’il fut jamais un homme d’une originalité assez profonde pour résister à toutes les influences extérieures que le Matérialisme, la Bête de ce temps, voudrait faire tout à l’heure si puissantes, ce fut Milton.