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de ce qu’ils ont fait, sous peine d’être inférieurs à eux-mêmes. Ils ne seraient pas leurs propres échos. Comme ils ont eu, Rabelais surtout, l’originalité dans leur temps, ils auraient l’originalité dans le nôtre, — l’originalité, qui est l’ongle du lion en fait de génie ! Rappelez-vous les Contes drolatiques de Balzac, à coup sûr la plus étonnante de ses œuvres, mais que personne n’oserait appeler « une œuvre de génie », parce que l’inspiration première et ia langue — une merveille d’archaïsme ! — y manquent d’originalité.

II

Et, cependant, ce n’est pas le sujet qui en manque, — d’originalité, — dans la Chanson des Gueux ! Le sujet du livre de M. Jean Richepin a sa nouveauté, quoiqu’il ait été parfois effleuré par les peintres, les conteurs et les poètes. Seulement, aucun d’eux ne l’a touché à fond et n’a essayé d’épuiser dans un vaste ensemble ce grand sujet de la Pauvreté en toutes ses manifestations pittoresques, touchantes, grotesques et terribles. Les « Gueux », pour employer le mot insolent et narquois que la race gauloise inflige presque gaiement à ceux que l’Église, dans sa tendresse