Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1889.djvu/124

Cette page n’a pas encore été corrigée

effet, les quelques lettres en déshabillé qu’un homme fatigué écrit, entre le Reisebilder et YIntermezzo, par exemple, à un éditeur ou à un ami, —ne confondons pas ! — dans lesquelles il laisse voir les muscles de sa face irrités et crispés par la vie, par la vie cruelle et bête (elle est ainsi toujours pour les êtres supérieurs), et à laquelle, en certains moments, il veut à tout prix, et même à vil prix, s’arracher ! Son vrai visage n’est pas là ; il est dans ses œuvres. Qu’importent ces laideurs morales passagères chez les poètes, où tout est de passage ; chez les poètes, ces innocents coupables lorsqu’ils sont coupables, pour qui, en raison même des facultés qui font leur génie, la liberté humaine est moins grande que pour les autres hommes dans ce malheureux monde tombé ! Et la responsabilité aussi.

II

C’est qu’en réalité, — au fond, — Henri Heine n’est qu’unpoète, etque, comme tousles poètes, il porte dans la vie morale des impuissances particulières à ces enfants terribles et charmants. C’est’un poète, et, de plus, un poète du xixe siècle, de tous les siècles celui-là certainement qui protège le moins ses poètes