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raisons de nous taire, nous la citerons dans son entier. On y verra si les fautes de M. Hugo sont laborieuses ! Dans cette pièce qui a dû être recommencée vingt fois et où le labeur n’a engendré que l’impiété et le ridicule, il n’y a pas de poésie, mais il y a du nombre, car la poésie veut du surnaturel et de l’âme, et, dans ces vers d’un matérialiste, on n’entend qu’enclume, bruit et métal ; seulement les coups sont frappés avec une fermeté d’accord qui indique le bras d’un Cyclope, même lorsque son œil est crevé, et il l’est !

L’ombre venait, le soir tombait, calme et terrible.

Hermann me dit : Quelle est ta foi ? Quelle est ta Bible ?

Parle : es-tu ton propre géant ?

Si tes vers ne sont pas de vains flocons d’écume,

Si ta strophe n’est pas un noir tison qui fume

Sur le tas de cendres Néant ! Si tu n’es pas une âme en l’abîme engloutie,

Quel est donc ton Ciboire et ton Eucharistie ?

Quel est donc la source où tu bois ?

Je me taisais. Il dit : « Songeur qui civilises,

« Pourquoi ne vas-tu pas prier dans les églises ? »

Nous marchions tous deux dans les bois. Et je lui dis : Je prie. Hermann dit : Dans quel temple ?

Quel est le célébrant que ton âme contemple

Et l’autel qu’elle réfléchit ?

Devant quel confesseur la fais-tu comparaître ?

L’église, c’est l’azur ! lui dis-je, et, quand au prêtre…

En ce moment le ciel blanchit. La lune à l’horizon montait, hostie ÉNORME ;

Tout avait le frisson, le pin, le cèdre et l’orme,