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et profond auquel il doit joindre l’expression du poète de langue et de société avancée. Cela n’est pas facile à rencontrer, cet assemblage, surtout dans un homme qui dit ses vers le soir, entre deux tasses de thé, aux plus jolies femmes de Paris. Difficulté comme de faire donner au camélia un parfum sauvage. Voilà pourtant M. Pécontal !

En résumé c’est un poète ému, sincère, d’une nuance charmante et — puisque la poésie est l’intensité — intense à la manière des poètes de nuance, dont l’intensité, en ordre inverse des poètes de relief et d’énergie, est la transparence et la morbidesse. Ce n’est pas un poète sans défaut, et les siens, nous les connaissons et nous les lui dirons : c’est le prosaïsme et l’enfantillage, les deux écueils naturels du genre de composition qu’il a adopté. A force d’être simple, il glisse parfois dans la platitude, mais il n’y reste pas longtemps. A force d’être innocent et enfançon, Dieu sait ce qu’il devient ! mais, encore une fois, ce n’est pas long ; quand ces taches n’empâtent pas l’œuvre légère et diaphane, M. Pécontal enlève la légende avec un charme particulier de grâce et de mélancolie. Lorsque ces fils de la Vierge ne se rompent pas, on les croirait vraiment tombés du fuseau divin.

Le volume des Légendes est un clavier de tous les tons. Il y en a d’effrayantes qui font des peurs, de touchantes qui font des larmes, mais toutes font plaisir, même les imparfaites. Parmi les effrayantes, mettez Le Drack, Le Trolle, Edouard, La Chasse du roi Arthur, La Tentation, et au compte des touchantes, Les Pains et les Roses, Le Forgeron des Pyrénées, L’Ange et la Mère. Le Forgeron des Pyrénées est un morceau