Page:Barbey d’Aurevilly - Les Poètes, 1862.djvu/366

Cette page n’a pas encore été corrigée

dans les Festons de ce talent qui a bu la poésie contemporaine, non comme une organisation, pour en vivre, mais comme une éponge, pour s’en emplir et s’en gonfler, oui, je crois qu’il y a un petit filon d’originalité qu’on pourrait sauver, qui n’a pas été noyé encore et qui pourrait devenir, en le dégageant, une individualité complète, et tout à l’heure je le dirai… Mais présentement, la personnalité de M. Bouilhet n’apparaît pas en ses poésies, et on ne l’y trouve que comme un atome et le microscope à la main !

Le titre seul de ses poésies le dit, du reste : Festons et Astragales ! Voilà qui dit suffisamment le goût du poète, sa tendance, son éducation, son école, tout ce qui n’est lui que de seconde main. Il y a dans ce titre de Festons et Astragales quelque chose qui rappelle M. Hugo, le grand architecte en poésie, la Renaissance et ses ornementations idolâtres, et ce genre qui est devenu le défaut et presque le vice de la poésie moderne, de traiter la langue comme une pierre et d’en exagérer la plasticité. M. Bouilhet continue, à près de trente ans de distance, la tradition de 1830, et il a les bénéfices de la possession d’état, conquise par les lutteurs de 1830, mais il n’ajoute pas à cette tradition. Supposez qu’Alfred de Musset, M. de Lamartine, M. Victor Hugo, M. Théophile Gautier, n’eussent jamais existé, M. Bouilhet aurait fait des vers dans la manière de Delille, et il aurait réussi comme il a réussi à faire des vers (parfois très-beaux) dans la manière de M. Hugo. Il aurait été le Campenon de Delille comme il a été le Campenon de M. Hugo. Et si Delille n’avait pas existé non plus, il aurait imité Fontanes ou quelque autre poète,