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Et elle est vraie… comme une épitaphe, mais comme une épitaphe écrite par un homme qui n’a pas la vulgarité hardie des faiseurs anonymes d’épitaphes, lesquels se soucient bien de l’opinion des promeneurs du Père-Lachaise. Il savait, lui, qu’il faudrait la signer de son nom, et il n’ignorait pas que ce nom signifie quelque chose qu’il est impossible de sacrifier… Voilà, par parenthèse, pourquoi M. Théophile Gautier, qui grave sur acier mieux que Flameng, a gravé, comme nous le disions plus haut, sur le velours… Sa Notice sur Mme de Girardin est un modèle d’adoucissement, d’euphémismes, de nuances très-fines, oh ! fines jusqu’au… rien ! à ce rutilant et truculent Gautier, obligé à vanter des tragédies jetées dans le vieux moule classique et écrites comme si le moule était si usé qu’il ne marque plus… Pour la Cléopâtre, il s’en tire habilement en nous donnant un médaillon de Cléopâtre, un Émail et Camée de sa façon : mais pour la Judith, il y reste, sentant bien, au fond de sa conscience, — poids fâcheux ! — que Mme de Girardin, imitatrice comme toute femme littéraire, soit qu’elle imite Shakespeare, soit qu’elle imite Racine, n’est que la Mme Campistron de tous les deux !

Elle fut aussi la Campistron d’Alfred de Musset dans La Faute du Mari ; mais elle ne le fut même pas de Molière dans Lady Tartuffe, comédie sans comique, écrite pour la tragédienne Mlle Rachel, mascarade d’un type d’homme qui ne peut jamais être un type de femme, car l’hypocrisie, odieuse dans l’homme parce qu’il est fort et qu’il n’a pas besoin d’être hypocrite, l’est beaucoup moins dans la femme, être faible,