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que de le prétendre ; mais il fallait un poète qui eût la corde militaire ; et, il faut bien le dire, les cordes de la lyre de M. Autran ne sont guère que les ficelles du métier.

V

Pourquoi donc, cette vulgarité étant donnée, parler si longtemps de ce poète ? L’auteur de Milianah et de Laboureurs et Soldats a-t-il l’importance qui justifie l’examen détaillé de la Critique ? Malgré la sympathie et l’estime que nous avons pour les intentions morales et la conscience littéraire de M. Autran, nous ne pensons pas qu’il tienne personnellement une place très-extérieure et très-visible dans la littérature contemporaine. Seulement il y a près de lui et autour de lui des Écoles qui le vantent et qui lui assignent le rang difficile à reprendre lorsqu’on l’a donné à un homme ou qu’on a souffert qu’il le prît. Ne nous y trompons pas ! Il n’y a pas que l’Académie qui couronne cette poésie déjà couronnée… aux genoux.

Présentement nous descendons l’escalier des Écoles. Il y a l’École du bon sens, et ce n’est pas la pire ; il y a l’École de la vulgarité, si chère aux esprits égalitaires de cette époque de démocratie intellectuelle. Partout là l’auteur de Laboureurs et Soldats est traité d’écrivain viril, la plus noble qualification, selon nous, qu’on puisse donner à un homme de lettres dans ce