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lord Byron, et que lui, M. Autran, n’en est pas uniquement l’Archimède. Nous n’avons point aujourd’hui à parler de ces Poèmes de la mer sur lesquels nous reviendrons peut-être. D’ailleurs, Laboureurs et Soldats et Milianah suffisent pour donner une idée complète de la manière de M. Autran qu’ils ont fixée. La manière des poètes importe plus à la Critique que le menu ou le gros des œuvres, car c’est par la manière qu’elle classe les poètes et qu’elle peut les caractériser.

Sauf l’exception et le phénomène d’un de ces développements inattendus dont quelques esprits (Balzac entre autres, et si glorieusement ! ) ont donné l’exemple, et qui sont la révélation ou plutôt l’éclosion d’un talent impossible à prévoir, M. J. Autran est dorénavant, à peu de chose près, ce qu’il sera toujours. Il a sa manière qui ne changera pas. La manière des poètes, c’est leur visage. Assurément, il y a une grande différence entre les Heures de loisir de lord Byron et ses autres œuvres ; mais, sous l’adolescente indécision des Heures de loisir, sous cette fausse emphase de jeunesse que nous eûmes tous, et qui n’est rien de plus que l’ignorance de la vie, on reconnaît pourtant déjà les lignes de ce galbe immortel qui sera tout à l’heure d’une beauté divine. Et plus tard, sous le sourire de Don Juan, sous la seule contraction d’ironie qui ait passé par ces lèvres pâles et si fièrement désespérées, on retrouve aussi le sérieux profond et la rêverie de celui qui partout n’est que Childe-Harold.

Un homme, si volontaire qu’il soit, n’est pas libre de son visage. Il peut le dégrader, mais il ne saurait