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l’Évangile, l’Apocalypse, les Mystiques, la Légende et la Tradition, — puisque, ravi par la sombre splendeur du dogme de l’Enfer, il foulait d’un pied libre le cadavre de Voltaire, se souciant peu des rires que cet autre démon a semés sur les lèvres humaines, et se dévouant à chanter les supplices qui répugnent tant pour l’heure à notre spiritualisme épouvanté, il fallait qu’il allât jusqu’au cœur de l’idée chrétienne, il fallait qu’il la creusât dans tous les sens pour lui arracher toutes ses beautés !

Or, voilà ce que M. Amédée Pommier n’a pas fait. Son christianisme de bonne volonté est celui de beaucoup d’hommes de notre époque incertaine. Il ne sait pas. Il se trouble, vacille et s’arrête, et de ce trouble et de cette ignorance il résulte un dommage immense pour le poème. M. Pommier n’a pris que les grandes faces connues, nécessaires et impossibles à supprimer de l’idée féconde qu’il devait interroger et dévoiler sous toutes ses faces et dans toutes ses profondeurs. Il s’est strictement renfermé dans le jugement dernier, le dénombrement des crimes qui mènent à l’enfer et la description des peines qu’on y souffre. Mais ces trois parties de son poëme correspondaient à une foule de perspectives qu’un grand artiste aurait entr’ouvertes, mais que le plus grand artiste aurait été obligé de tenir fermées, s’il n’avait pas eu à sa portée la science même du christianisme. Ici le Poète devait s’épauler au Docteur. Son enfer charnel et palpable, son enfer de glace et de feu aurait pu joindre des caractères plus affreux encore au caractère de ces tortures que l’incroyable poète nous retrace avec un relief si effrayant. Les idées des Mystiques auraient