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Quand vous respirez un parfum délectable,

Ne demandez pas d’où vient ce souffle pur !

Tout parfum descend de la divine table.

L’abeille en arrive, artiste infatigable,

Et son miel choisi tombe aussi de l’azur ! L’été, lorsqu’un fruit fond sous votre sourire,

Ne demandez pas : ce doux fruit, qui l’a fait ?

Vous direz : c’est Dieu ! Dieu par qui tout respire !

En piquant le mil, l’oiseau sait bien le dire,

Et le chanter aussi par un double bienfait. Si vous avez peur lorsque la nuit est noire,

Mon Dieu ! vous direz, je vois clair avec vous,

Vous êtes la lampe au fond de ma mémoire !

Vous êtes la nuit, voilé dans votre gloire,

Vous êtes le jour et vous brillez pour nous ! Si vous rencontrez un pauvre sans baptême,

Donnez-lui le pain que l’on vous a donné,

Parlez-lui d’amour comme on fait à vous-même,

Dieu dira : c’est bien, voilà l’enfant que j’aime.

S’il s’égare un jour, il sera pardonné. Voyez-vous passer dans sa tristesse amère

Une femme seule et lente à son chemin ?

Regardez-la bien, et dites : c’est ma mère !

Ma mère qui souffre ! honorez sa misère

Et soutenez-la du cœur et de la main ! Enfin faites tant et si souvent l’aumône,

Qu’à ce doux travail ardemment occupé,

Quand vous vieillirez, — tout vieillit, Dieu l’ordonne, —

Quelque ange en passant vous touche et vous moissonne

Comme un lis d’argent pour la Vierge coupé ! Les ramiers s’en vont où l’été les emmène,

L’eau court après l’eau qui fuit sans s’égarer,

Le chêne grandit sous les bras du grand chêne,

L’homme revient seul où son cœur le ramène,

Où les vieux tombeaux l’attirent pour pleurer.