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aussi des Grecs ! Je l’aime mieux que toute la poterie de verres de Bohême des Fantaisistes. Ici au moins, dans Brizeux, si la vérité n’est pas intense, elle n’est que diminuée. S’il n’y a point de passion profonde, il y a de la passion attendrie. Enfin, si la puissance des choses appuyées ne s’y montre pas, il y a le charme des choses qui s’y glissent, comme les sourires et les larmes.

Malheureusement, pourquoi faut-il que dans cette idylle élégiaque de Marie l’unité de sentiment ne soit pas plus respectée que l’unité de composition, et qu’entre deux tableaux d’un amour naïf, dans un pays fruste, il nous tombe tout à coup sur la tête un Hymne à la Beauté, dédié à M. Ingres encore ? Et plus loin, pan ! pan ! un autre Hymne à la Liberté et à M. Georges Farcy, si ce n’est par la raison déplorable et déjà donnée de cet incroyable besoin d’être un lettré moderne, quand on est de naissance, et qu’on s’en vante assez, un poète breton !

Ainsi, dès Marie, dès son premier souvenir et son premier poème, le Breton s’interrompt dans Brizeux, et l’homme moderne, l’homme des langages les plus communs de ces temps, apparaît. Plus tard, — et vous n’attendrez pas longtemps, — vous verrez dans Les Ternaires et une foule d’autres poèmes se produire la prétention philosophique, platonique, anaxagorique, pythagorique, dans la plus insupportable poésie géométrique où Dieu est appelé « Beau triangle équilatéral ! » par ce Breton qui, à l’autre page, invoquera saint Corneli, le patron des bœufs ! Si bien qu’on se demande où est, — ici ou là, — l’inspiration sincère, ou si le Breton, dans Brizeux, n’est pas une