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IX

Idyllique, — il l’est, en effet, et parfois avec un charme à lui ; — mais sauvage, il ne le fut jamais, même quand il voulut le plus l’être, car il a voulu l’être à un certain moment de sa vie dont nous parlerons tout à l’heure, quand il fit son poëme : Les Bretons. C’est par l’idylle et l’idylle élégiaque qu’il commença sa renommée, et malgré des efforts soutenus, comme on n’en aurait guère attendu de sa gracieuse faiblesse, et qui prouvent que l’entêtement n’est pas la force, même chez les Bretons, c’est par ce seul genre de poésie qu’il se soutiendra dans la mémoire des hommes. Combien de temps ? Je n’en sais rien. Les poésies qui ne sont que tendres, rêveuses, venues de l’âme bien plus que du génie qui a, lui, plusieurs âmes, s’évaporent vite comme certains parfums suaves. Tous les jours ne rencontrons-nous pas dans les littératures des vers ravissants, oubliés ? …

Beaucoup d’entre les vers de Brizeux ont ces qualités, la tendresse, la grâce et plus que la grâce, l’innocence. Sa poésie est une poésie blanche, mais elle l’est à la manière de ce qu’on appelle la messe blanche ; la consécration n’y est pas. Ce quelque chose, qui est le génie, qui fait qu’on n’oublie plus, et que des vers, cette chose qui passe comme les sons et les souffles, s’attachent à nos mémoires comme une tunique de Nessus, mais une tunique de Nessus voluptueuse,