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des mœurs bretonnes, sans courage quand il s’agit de risquer à propos un mot patois !

VII

Nous l’avouerons, c’est ce qui nous a le plus frappé, le plus choqué en relisant dernièrement Brizeux. Oui, en vérité, c’est cette imperturbable éducation d’université, c’est cette culture d’Académie, qui ne se dérange pas une seule fois, qui n’entre pas une seule fois dans le tour de langage populaire et qui en craint le barbarisme, quand le Génie, lui, n’en aurait pas peur ! Oui, c’est cela qui nous fait répéter ici que ce Breton n’est qu’un Breton qui s’est traduit… ou trahi lui-même, et qui n’a pas assez bretonné.

Ah ! c’est toujours la même histoire. Quand les réputations ne sont pas des impostures, elles ne sont que des à-peu-près ! Brizeux, le Breton Brizeux, passe pour national, et il l’est, jusqu’à un certain degré, sans nul doute ; mais il ne l’est pas comme il devrait l’être ! et qui l’eût cru ? c’est au Breton que la Critique s’adresse aujourd’hui pour lui demander compte du poète, pour lui reprocher de ne pas l’avoir fait plus fort et plus grand. Plus Breton, en effet, il eût été poète. La Nationalité l’aurait pris et porté plus haut dans ses bras puissants, mais il ne fallait pas hésiter avec le génie de sa race, puisque l’autre génie, il ne l’avait pas. Il fallait être hardiment Breton. Il fallait rester en Bretagne, et puisqu’il était faible, appuyer sa faiblesse aux dolmens de ce pays, qui sont solides, qui ne bougent pas,